Le gaélique irlandais
Dans la vie de tous les jours les Irlandais parlent anglais. Mais une autre langue a un statut officiel : le gaélique irlandais (souvent simplement appelé “irlandais”), la langue ancestrale de l’Irlande. L’irlandais fait partie de la branche gaélique des langues celtiques, qui comprend également l’écossais ou le manxois (parlé sur l’île de Man), l’autre branche, le brittonique, comprenant entre autres le gallois et le breton. Si aujourd’hui il n’est plus parlé que par une minorité de la population, le gaélique irlandais n’en demeure pas moins un élément essentiel de la culture irlandaise et bénéficie à ce titre de mesures de protection. Le gaélique irlandais est d’ailleurs considéré comme première langue officielle de la République d’Irlande.
Des origines à l’âge d’or
On estime que le gaélique irlandais est parlé en Irlande depuis l’an 350 avant J-C, ce qui en fait une des plus anciennes langues d’Europe. L’introduction de la religion catholique en Irlande au Vème siècle est marquée par l’installation de nombreux monastères qui deviennent des centres culturels et éducatifs parmi les plus importants d’Europe. Ils donnent l’occasion aux irlandais de produire une littérature importante, qui dominera l’Occident pendant 3 siècles. Les invasions scandinaves puis anglo-normandes pendant le Moyen-Age simplifient la langue, mais y laissent peu de traces car les envahisseurs finissent tous par s’assimiler aux irlandais … A croire que les irlandais sont déjà accueillants à l’époque. La “naissance” de l’irlandais moderne parlé aujourd’hui est estimé à 1 200.
Le déclin de l’irlandais
La conquête des anglais à partir du XVIème siècle marque le début du déclin du gaélique irlandais. Henri VIII brise toute autorité celtique, exproprie toutes les terres cultivables pour les donner aux anglais, privant les irlandais de tout développement économique et social. L’anglais devient alors la seule langue enseignée à l’école, l’irlandais devenant une langue interdite … Malgré cela, l’irlandais demeure la langue utilisée dans la vie quotidienne, même si l’anglicisation gagne du terrain. Au début du XIXème siècle, la moitié de la population de l’île parle encore l’irlandais. Mais la Grande Famine de 1845 va porter un coup fatal à l’irlandais. Elle frappe surtout les régions les plus reculées d’Irlande, où l’irlandais est la langue dominante. La mortalité décime les populations de langue irlandaise et provoque des décennies d’émigration qui vont faire décliner de façon irrémédiable la population gaélique. En 1800, 2,5 millions d’irlandais parlent le gaélique ; après la Grande Famine ils ne sont plus que 1,5 millions ; en 1911, les locuteurs gaéliques ne sont plus estimés qu’à environ 600 000 …
La renaissance de l’irlandais
Au cours du XIXème siècle, face au déclin de la langue irlandaise, des intellectuels se réunissent pour fonder des sociétés dont le but est de défendre la langue irlandaise. La plus célèbre d’entre elles est la Ligue Gaélique (Conradh na Gaedhilge) fondée en 1893 par le poète Douglas Hyde. Les intellectuels irlandais comprennent vite le rôle de l’irlandais comme ferment de l’unité nationale et le combat linguistique se mèle vite au combat politique. Beaucoup apprennent l’irlandais et écrivent parfois même en irlandais, faisant renaître la littérature gaélique. La Ligue Gaélique est reconnu d’inspiration nationaliste et est interdite en 1915. Après l’indépendance en 1921, les gouvernements successifs s’appliquent tous à mener une politique de soutien au gaélique, reconnu comme première langue nationale par la Constitution de 1937 (l’Irlande est le seul pays d’Europe à avoir une langue minoritaire comme première langue nationale).
L’irlandais aujourd’hui
Les politiques de soutien du gaélique ont au moins un mérite : elles ont permis d’éviter la disparition pure et simple du gaélique irlandais … La politique linguistique de l’Irlande vise aujourd’hui à assurer une égalité de traitement entre les locuteurs de langue anglaise et de langue irlandais, par l’incitation forte au bilinguisme dans les domaines de la politique, de la justice, de l’administration, de l’éducation (enseignement obligatoire de l’irlandais au primaire). Si 40% de la population affirme avoir une certaine connaissance du gaélique, il n’est cependant utilisé dans la vie de tous les jours que par 2% de la population … L’anglais reste donc la langue maternelle d’une majorité écrasante des irlandais. Le rêve d’une Irlande parlant le gaélique, caressé par les nationalistes de la fin du XIXème siècle, ne restera donc sans doute qu’un beau rêve … Pourtant les irlandais restent fortement attachés à la langue de leurs ancêtres et attendent des mesures pour la protéger. Mais ils refusent toute obligation de l’utiliser ! On ne peut donc être que pessimiste sur la survie du gaélique irlandais …
Les gaeltachts
Le terme gaeltacht désigne les poches des comtés d’Irlande dans lesquels le gaélique irlandais est encore la langue maternelle de certains habitants et est largement parlé dans la vie quotidienne. Cette zone s’étend essentiellement dans l’Ouest de l’Irlande : comté de Kerry, comté de Galway, comté de Mayo et comté du Donegal. Les comté de l’ouest de l’Irlande ne constituent que 23% de la population irlandaise, mais 45% des foyers parlant irlandais. Les gouvernements successifs irlandais ont donc tous estimé que c’était dans les gaeltachts que se jouait l’avenir de la langue irlandaise. Et à ce titre des dispositions particulières s’y appliquent sur le plan linguistique : l’enseignement au primaire se fait uniquement en irlandais, les panneaux routiers sont écrits uniquement en irlandais (provoquant quelques tracas pour les touristes perdus !), l’affichage publicitaire en irlandais est fortement favorisé, une politique de soutien social et des subventions aux initiatives économiques incitent les habitants des gaeltachts à rester y vivre … Toutes ces politiques sont coordonnées depuis 1956 par un ministère du Gaeltacht, chargé de protéger ces zones parlant l’irlandais. Ces politiques fortement volontaristes semblent porter leurs fruits puisque dans ces régions la proportion de locuteurs gaéliques se maintient et l’irlandais y est réellement une langue vivante.
Toponymie irlandaise
Le gaélique irlandais ayant été la langue principale de l’Irlande pendant de nombreux siècles, il est normal que le nom de beaucoup de lieux ait une origine gaélique. Quelques exemples …
Mot irlandais | Signification | Villes ou lieux |
---|---|---|
Baile | Ville | Ballina, Ballyshannon, Ballyvaughan |
Bun | Bas / Embouchure | Buncrana, Bunratty, Bundoran |
Caher | Château | Caherciveen, Cahir |
Carraig | Rocher | Carrickfergus, Carrick-on-Shannon |
Cill | Eglise | Killarney, Kilkenny |
Coill | Bois | Kilclare, Kilgowan, Kilturk |
Dun | Fort | Donegal, Dun Laoghaire, Dundalk |
Gleann | Vallée | Glenmore, Glenveagh, Glendalough |
Inish | Ile | Inishowen, Inishmore |
Leitir | Coteau | Letterkenny, Letterfrack |
Lough | Lac | Glendalough, Loughrea |
Mona | Tourbe | Monagha |
Muillean | Moulin | Mullingar |
Sliabh | Montagne | Slieave League, Slievenamon |
Tra | Plage | Tralee, Tramore |
Quelques mots d’irlandais
Le gaélique irlandais a la réputation d’être une langue difficile … La raison principale est la présence de nombreuses lettres présentes à l’écrit mais qui ne sont pas prononcées. Quelques mots irlandais, leur signification et la manière dont on les prononce …
En irlandais | Traduction française | Prononciation |
---|---|---|
Dia duit | Bonjour (Que Dieu soit avec toi) | djia dite |
Slàn | Au revoir | slaune |
Go raibh maith agat | Merci (Que le bien soit avec vous) | gorêve mahagate |
Conas ta tù ? | Comment vas-tu ? | conasse ta tou ? |
Slainte | A votre santé | slantieu |
Fáilte | Bienvenue | fôltieu |
Ceart go leor | Ca va / D’accord | kiarthe gâ lore |
Ceol | Musique | kiol |